Drive Away Dolls

04 avril 2024

Drive Away Dolls, le dernier film, ou plus exactement le premier en solo, de Ethan Coen, l’un des deux frères Coen donc, les deux ayant décidé de s’accorder une pose en duo, puisque Joel a sorti l’an dernier son adaptation de Macbeth de shakespeare, qui a eu un gros succès critique. Ethan Coen était de son côté surtout considéré comme un scénariste pour les frères Coen, les deux n’étant crédités comme réalisateurs que depuis Ladykillers, en 2004.


Et le solo parapport au duo, ça change pas mal de choses, et sans vouloir trop caricaturer, on pourrait dire que Ethan conserve le côté potache et burlesque du duo, là où Joel, avec son Macbeth, activait plutôt le côté cérébral (en même temps il adaptait Shakespeare). Important à souligner,  Ethan n’a pas travaillé seul, mais avec sa femme, Trishia Cook, productrice et scénariste du film, et auparavant monteuse de nombreux films du duo.

L’univers des frères Coen en version queer
Il y a un peu de ça, et le réalisateur a été critiqué pour cette transposition facile qui permet selon certains de redorer une réputation un peu trop oldschool et jusqu’à présent trop centrée sur des personnages masculins. Le pitch, pour le résumer, raconte le voyage d’un duo lesbien, l’une extravertie et amatrice de coup d’un soir, qui vient de se faire larguer par son ex policière, l’autre est romantique et grande lectrice, mais aussi beaucoup plus cérébrale.
Les deux vont se retrouver, par un quiproquo très "coénien" en possession d’une mallette dont on taira le contenu, mais qui s’avère être très convoitée, par des brigands aussi violents qu’incapables..


Un accueil critique... désagréable!
Disons que l’approche du film est pas franchement dogmatique, donc peu étonnant qu’il se prenne un peu un revers critique. Les frères Coen n'ont pas trop la réputation d’écrire leur scénarios avec des sensitives readers (les personnes qui examinent les livres avant publication pour s’assurer qu’elles ne soient ni trop offensantes, ni trop porteuses de stéréotypes). Et oui, il y a des stérotypes dans Drive Away Dolls, presque à l’excès, de l’équipe de soccer féminine intégralement lesbienne, aux conservateurs catholiques de Floride. Certes, l’humour est aussi potache que phallique, mais la force de Ethan Coen est à mon sens de foutre un coup de pied dans les stéréotypes tout en les montrant, d’en rire plutôt que de s’en offusquer. Et je dois dire que ça marche bien, aussi parce que le mec n'en est pas à son premier scénario. Il y a un vrai travail sur les personnages, les brigands imbéciles et presque débiles, la féministe engagée, sa compère plus réservée. Et il y a la présence de Henry James, écrivain américain qui a notamment écrit des autoportraits transposés au féminin, qui vient un peu chapoter le film. A noter qu’au générique de fin Ethan Coen change le titre du film de Drive Away Dolls en Drive Away Dykes (qu’on pourrait traduire par "Gouines en cavale" et qui a été refusé par la prod comme titre) tout en le présentant comme un film… de Henry James. Doublement irrévérencieux donc tant par le langage que culturellement. Mais une irrévérence qui libère un peu quand même, comme celle faite à l’intégralité du genre masculin dans le film (tous les personnages masculin sont, grosso-modo des cons)

Le film se passant à la fin des années 90, on sent presque une nostalgie formelle de cette époque, ce qui lui a aussi été reproché mais je ne vais pas reprocher ça perso -j’avoue que j’ai regardé "Sister Act" hier soir.  Il y a aussi ce jeu de clins d’oeils, avec les séquences psychédéliques qui font penser à "The Big Lebowski", une scène  d'éveil érotique voyeuriste, ici transposée en version femme-femme, qui fait référence à "Il était une fois en Amérique", ou les couloirs d’hôtel filmés façon "Shining", mais ici avec la femme de ménage. Autant de citations décalées qui, si elles ne suffisent pas à en faire un grand film, assoient néanmoins son ambition hônnete d’être un divertissement, sans avoir la profondeur ou la beauté formelle d’un "Barton Fink", d’un "No country for old men" ou plus récemment d’un "Inside Llewyn Davis"

Si vous avez envie de relâcher la pression, que vous aimez le côté potache ou burlesque des films des frères cohen des années 90, a priori le film devrait vous plaire. Si, par contre, vous avez un sensitive reader sur l’épaule, que vous cherchez la petite bête offusquante, que l’humour un peu gras vous donne la chair de poule, vous pouvez passer votre chemin…

La bande son est évidemment un point fort du film. Et comme Drive Away Dolls est aussi une histoire d’amour, on va se laisser avec I love You de Asie Payton, qui illustre dans le film une scène d’amour avec un certain second ou troisième degré…
 

 

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