Pas de Vagues

Pas de Vagues

Cette semaine, encore un film de collège avec Pas de Vagues, le film de Teddy Lussi Modeste, sorti le 27 mars 2024, avec François Civil dans le premier rôle, celui de Julien, un prof accusé de harcèlement sur une de ses élèves de collège.

Quelques semaines après la salle des profs, on est donc encore face à un film avec des tensions vécues à la première personne, encore un film ou le personnage principal est amené à totalement perdre pieds à cause de la quantité de pression subies ET du système qui déraille. Plutôt une bonne chose à mon sens, encore quelques films sur des profs qui pètent les plombs tant ils sont broyés de toute part et on de rait peut être commencer à les prendre en considération


De la polémique mais en même temps les films sur les profs font facilement polémiques comme genre, alors un film de collège sur un prof accusé de harcèlement, ça fait double effet. On a reproché, d’un côté de l’échiquier politique, au film de décrédibiliser la paroles des accusatrices à l’ère de metoo, en allant jusqu’à le présenter comme un anti metoo. Et de l’autre côté de l’échiquier politique, disons le côté de beaucaire quoi, on lui a reproché (attendez c’est drole) d’avoir choisi je cite « les seuls élèves blancs du collège dans le rôle des diffamateurs ce qui serait très drôle si le parti qui fait ce genre de critiques faisait moins de voix que le parti animaliste mais ce n’est hélas pas le cas.
Que le sujet crée la polémique je ne sais pas si c’est voulu. Le réalisateur, qui vient de la communauté des gens du voyage, dit lui même qu’on l’a accusé à la fois de faire un film woke et anti-woke. Mais je n’ai pas encore détaillé le pitch. Le prof de français, incarné par François Civil, est accusé de harcèlement par une élève, et sa seule faute est d’avoir disons invité ses élèves les plus sérieux et volontaires au kébab. Les accusations sont vites accompagnées de menace de mort et la hierarchie, en l’occurence le proviseur, mais aussi les autres collègues font totalement l’autruche. le fameux « pas de vague de l’administration »


Le film est inspiré de faits réels et, gros avantage pour un film sur le collège, Teddy Lussi Modeste a grandi en cité, été enseignant et cela se voit assez vite dans les scènes de classe, vraiment crédibles pour une fois, y compris dans la manière de montrer comment un cours peut partir en sucette. Le  reproche fait à Julien, le professeur de français est double: en plus du harcèlement pour lequel il est incriminé, on lui reproche d’avoir caché son homosexualité à ses collègues. Alors évidemment à de nombreux moments on se dit qu’il y a des failles scénaristiques, la principale de mon point de vue,  c’est que si le type est pas masochiste dans un cas comme ça il se met en arrêt immédiatement, mais après tout, il peut ne pas le souhaiter. Mais l’ensemble est tellement ubuesque que finalement ces points scénaristiques arrivent à passer dans la machine à broyer. Civil joue parfaitement la descente aux enfers vécue par le prof, passant progressivement d’une bienveillance absolue à une transparence plus agressive, une envie de mettre un coup de latte salvateur dans un système vérouillé de toutes parts

C'est un thriller au collège, certes avec moins de finesses cinématographiques que disons son équivalent récent allemand, la salle des profs, l’image est probablement moins léchée et il n’y a pas cette fois le côté étouffant du huis clos. Mais c’est porté par l’acteur principal sur lequel repose intégralement le film et Civil s’en sort parfaitement (il est hyper crédible en prof, vraiment, les costumiers aussi d’ailleurs, sans faire dans la carricature, leur salle des profs ressemble pour une fois à une vraie).
Mais ici plus que l’étouffement c’est la peur et la paranoïa qui guide le film. On peut difficilement trouver les faits invraisemblables. le méchant cocktail du collège: le besoin d’attention; couplé à la rumeur, aux réseaux sociaux et au phénomène de groupe. Et boum ça pète. Finalement c’est  exactement le système qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty. Il n’est evidemment pas question de religion ou de laïcité ici, mais la machine incontrôlable est finalement exactement le même. Ces leviers actionnés toit au long du film, à savoir la parano et la peur, marchent très bien avec moi, donc j’ai passé la séance vissé sur mon siège

Une recommandation donc  mais de manière un peu masochiste, parce qu’on peut pas dire que j’ai passé un bon moment, j’ai plutôt vécu un cauchemar par procuration. Pour avoir déjà rencontré des collègues face à des faits de calomnies non pas analogues mais assez proches, on peut dire que le sujet central à savoir la double machine à broyer du collège à la fois du coté des profs et de l’administration, est traité avec une mise en perspective glacante. Glacante mais possible, et c’est ça qui rend le film presque terrifiant.
Du coup je déconseille le film aux profs qui sont déjà en burn out, et surtout à tout ceux qui sont en train de passer en ce moment les concours pour devenir enseignant. ça risque de vous détruire toute motivation de faire ce boulot.

Pour la traditionnelle conclusion musicale, j’aurai pu en prendre un titre de la BO qui accompagne le thriller avec une  éléctro entrainante, signée Jean Benoit Dunkel, qui a notamment composé la musique de summer 85 de François Ozon, mais elle souligne plutôt le côté stressant du film, et là j’ai envie de destresser. On va donc pas être dans le « pas de vague », mais au contraire en pleine vague, avec le titre plongereuse de Flavien berger sur son disque sorti il y a un peu plus d’un mois, « contre-bande 2 le disque de l’été ».
 

Alexandre Cussey

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